« Il y aura donc, oui, très rapidement, une session spéciale de l’Assemblée de Corse consacrée à cette question, nous nous y étions engagés à mon initiative au lendemain de l’assassinat de Massimu Susini en septembre 2019 » a affirmé le président du Conseil Exécutif Gilles Simeoni ce 1er juillet au sujet d’une session spéciale consacrée au problème de la mafia.
Un engagement pris, après avoir consulté l’ensemble des groupes de l’Assemblée, alors que l’Exécutif était interpellé par Jean Baptiste Arena du groupe Core in Fronte à l’occasion de la séance des questions orales, et que le collectif Massimu Susini manifestait devant les grilles de l’Assemblée pour réclamer ce débat.
La Corse a été à nouveau endeuillée de l’assassinat de Jean Christophe Mocchi, entrepreneur dans le Valincu. « Cet assassinat comme tant d’autres, pose la lancinante question de l’état réel et profond de la société corse » a dit l’élu de Core in Fronte. Et c’est bien pour cela qu’un tel débat est réclamé, pour démonter, comprendre, les mécanismes qui mènent à de telles dérives, « administrer des remèdes ».
Dans sa réponse le président du Conseil exécutif a rappelé « le travail de préparation » qui avait été conduit en 2019 en vue de cette session, « les multiples auditions menées par la conférence des présidents lors de la mandature précédente ». Élus ou anciens élus, représentants d’associations de maires, des collectifs anti-mafia, des associations de défense de l’environnement, des chambres d’agriculture, des instances consultatives de la CdC, de la Ligue des droits de l’homme, « l’ensemble de ces auditions ont fait l’objet de restitution complète (…) ils constituent déjà une somme importante qui viendra nourrir les débats que nous aurons » a dit encore Gilles Simeoni, déplorant « le refus explicite de l’État et de ses représentants de participer au cycle d’auditions ». « Réponses négatives du préfet Robine, du procureur général près la Cour d’Appel de Bastia, du premier Président de la Cour d’Appel de Bastia, du Général Tony Mouchet, commandant de Région, commandant du Groupement de Gendarmerie de Corse, du Directeur régional de la Police Judiciaire et enfin de la directrice départementale de la Sécurité Publique, autrement dit des organes de l’État ».
« Il nous appartiendra ensemble (…) de décider si nous décidons de maintenir la session malgré cette carence avérée et assumée de l’État qui exerce pourtant un certain nombre de pouvoirs régaliens qui ont directement à voir avec la lutte contre la criminalité organisée et les dérives mafieuses » a dit le président de l’Exécutif qui s’est justifié aussi du retard de la tenue de cette session. Crise Covid, période électorale, assassinat d’Yvan Colonna et événements qui ont suivi, « cette succession d’éléments extérieurs ne vaut pas excuse absolutoire, elle impose aujourd’hui et nous en sommes d’accord à l’unanimité que cette session se tienne » a dit le président. « Un certain nombre d’auditions nouvelles ou d’auditions réactualisées en fonction des événements qui se sont succédés depuis un certain nombre de mois » seront préalablement organisées.
S’exprimant au nom de l’ensemble des groupes, Gilles Simeoni a précisé : « Nous ne voulons pas que cette session soit uniquement l’occasion de parler, même si les mots sont importants parce qu’ils sont le premier rempart contre les pressions, les violences et les dérives. Mais les mots, particulièrement en Corse, n’ont pas de sens ni de portée s’ils ne sont pas prolongés par des actes et des comportements individuels et collectifs. Nous souhaitons donc que cette session soit l’occasion de prendre des positions claires, qu’elle débouche sur des décisions opérationnelles, notamment en ce qui concerne les compétences qui relèvent de la Collectivité de Corse ».
« Il y a trois sources potentielles de profit illicite pour la criminalité organisée qui peuvent être le terreau d’une dérive mafieuse ou pré-mafieuse » a dit encore le président, citant les marchés publics « dans lesquels il y a des intérêts financiers importants, des logiques de concentration et une absence de visibilité pour la puissance publique », « la spéculation immobilière dans toutes ses dimensions », et « le trafic de stupéfiants qui a pris en Corse notamment ces dernières années, une dimension sans précédent. »
Rappelant les leviers d’action de la Collectivité de Corse en ces domaines, le président s’est dit déterminé à prendre « des actes forts » dans la mise en en place des mesures juridiques et politiques nécessaires. À suivre. •