La FFF s’est une nouvelle fois illustrée à l’approche de l’anniversaire de la catastrophe de Furiani en programmant un match de compétition nationale ce 5 mai 2021. Il a fallu la colère du Collectif des Victimes du 5 mai, la réprobation des élus et du public pour que les instances nationales du football se ravisent et avancent ce match au 4 mai.
La plus grande catastrophe du football français, 19 morts et des milliers de blessés, 29 années de revendications et même une loi, présentée par le député Michel Castellani et votée à la quasi unanimité*, n’auront donc pas suffit pour certains. Toujours ignorance et mépris. C’est à désespérer ! Mais paradoxalement, cela nous renforce.
Ce 29e anniversaire est marqué lui aussi par la crise, avec des commémorations revues à la lueur des contraintes sanitaires liées à la pandémie. Les familles des victimes organisent néanmoins une messe à 18h à la cathédrale Sainte Marie comme chaque année, et le Collectif, ainsi que les diverses institutions, déposeront des gerbes à la stèle du souvenir, dans l’après-midi à 16h, comme chaque année .
Il n’a pas été possible de tenir le colloque annuel organisé par le Collectif compte tenu des restrictions de la crise sanitaire. Une « action virtuelle » a néanmoins été mise en place. Une vidéo sera diffusée sur un écran à la stèle de Furiani toute la journée. Elle contient des micros trottoir, des dessins d’enfants (écoles de CM1-CM2) et des selfies sur la question : « Qu’évoque pour vous le 5 mai 1992 ? »
Il y aura également une énorme affiche dans le kiosque à musique de la place St Nicolas qui sera installée pendant toute la semaine du 5 mai avec les dessins d’enfants par rapport à la tragédie de Furiani et les selfies toujours qui ont été envoyés toutes ces dernières semaines.
Au-delà du souvenir et des commémorations d’année en année, que reste-t-il dans nos cœurs de ces terribles événements ? Lassitude ? Écœurement ? Espoir ? Détermination ? Un peu de tout cela sans doute. Le Sporting poursuit sa route. Cette terrible histoire dont il porte à jamais l’empreinte lui colle à la peau, jusque dans le maillot que portent les joueurs. Mais il rêve toujours de victoires et de prouesses, de tribunes en liesse et d’épopées, sorte de revanche sur cette cruelle fatalité du drame collectif qu’il a vécu. Les plus jeunes supporters n’étaient pas encore de ce monde. Ils en portent pourtant eux aussi le deuil et en revendiquent le respect. Comme une dette envers la Corse du foot business, de la vénalité et de l’orgueil. Le club aussi aura appris de ses erreurs et de ses fautes. Aujourd’hui, après bien des déboires encore toutes ces années, il essaie depuis quatre ans de se reconstruire sur des bases saines, collectives, solidaires. Pas facile d’enthousiasmer les foules et en même temps de garder les pieds sur terre. Mais s’il essaie, c’est aussi parce que ce drame pèse dans sa mémoire comme un devoir à l’ombre de cette stèle du souvenir habillée des écharpes bleues des disparus suspendues à sa croix.
Les victimes se sont dispersées avec le temps, même si elles parlent encore par la voix du Collectif aujourd’hui porté essentiellement par leurs enfants qui n’ont pas vécu le drame. Beaucoup sont restées supporters, mais elles ne sont pas mues par l’amour du ballon, mais par le poids à la fois des souffrances collectives, du mépris des instances du football français, et de la conscience d’une mission à remplir, menée presque comme une croisade. Celle de faire évoluer la folle passion qui a porté au drame vers quelque chose de plus vertueux, instruire la jeunesse, à l’apprentissage du respect et des valeurs humaines. Cela n’est probablement pas ressenti concrètement de tous, mais c’est un projet noble et c’est pour cela qu’il faut continuer d’encourager et de soutenir le Collectif des victimes. La catastrophe de Furiani a été une leçon qu’il nous faut à jamais retenir. •
Fabiana Giovannini.
* Une seule voix contre.