Pontevedra, une des principales villes de Galice (80.000 habitants), a été récompensée par de multiples prix pour sa politique de mobilité qui divise par dix la place de la voiture et réserve la rue aux piétons. Elle fait aujourd’hui référence en Europe et dans le monde, 23 ans après que son maire actuel, Miguel Lores, pilier du parti nationaliste galicien Bloque Nacionalista Galego, membre de l’Alliance Libre Européenne, a été élu maire pour la première fois. Miguel Lorens était avec Pierre Savelli, les 20 et 21 septembre dernier, l’invité des journées parlementaires européennes de l’ALE, et il a présenté ses réalisations.
Pontevedra est une ville dont le centre historique couvre environ 2 km2 de rues et ruelles où la circulation automobile, dans les années 1990, « embouteillait », au sens quasi-littéral du terme, des milliers de véhicules tous les jours. Pour le candidat Miguel Lores, le problème est alors politique : « dans un espace aussi contraint, la concurrence entre les piétons et la voiture est invivable. Il faut faire un choix politique : ou les piétons, ou les voitures. Une fois devenu majoritaires, nous avons choisi les piétons ».
Le maire explique alors que 70 % des véhicules qui circulent dans le centre d’une ville le font sans raison utile. Un tiers le fait pour traverser la ville : ce sera désormais interdit et les voies de contournement sont améliorées à cet effet. Un autre tiers tourne en rond pour chercher une place : d’où la décision d’interdire le stationnement de surface en ville au-delà d’une durée d’une demi-heure. Quant au reste, ce sont les déplacements de destination, celui d’une ambulance qui va chercher un malade, d’un habitant qui gagne son garage, d’un livreur qui dessert un commerce, d’une infirmière qui va prodiguer des soins, d’un habitant qui évacue son vieux frigidaire. Ils sont autorisés sans restriction, si ce n’est deux conditions, essentielles : circuler à même vitesse que les piétons, moins de 10 km/heure, et ne pas stationner sur la voie publique au-delà d’une demi-heure. L’habitant du centre-ville, s’il ne possède pas son propre garage, dispose d’une place de parking en périphérie proche, jamais plus de 10-12 minutes de trajet à pied. Dès lors, trouver une place pour livrer un colis dans l’hyper-centre est chose aisée puisque aucun autre stationnement n’est autorisé, si ce n’est le temps nécessaire à la livraison.
Vingt ans après, les résultats sont probants : le trafic automobile a été divisé par dix, Pontevedra est devenue une autre ville, où les quelques voitures sont rares et disciplinées ; elles roulent au pas et elles respectent les piétons au milieu desquels elles se faufilent avec précaution. Les piétons sont omniprésents, sur des rues réaménagées où le binôme trottoirs/chaussée a disparu : chaque rue est formée d’une plate-forme unique que la circulation piétonne occupe sur toute sa largeur. Les enfants sont dans la rue avec leurs jeux, la sécurité est totale (Pontevedra a éradiqué la mortalité des accidents en ville, dont piétons et vélos sont systématiquement les victimes) division par dix du bruit, de la pollution atmosphérique ainsi que des consommations de carburant qui contribuent aux émissions en gaz à effet de serre, émissions divisées par trois depuis 1999.
La déambulation que nous avons faite dans la rue avec les explications de la municipalité nous a permis de ressentir l’immense révolution réalisée par cette ville. Les piétons sont omniprésents, et le commerce de proximité respire la prospérité, les habitants ayant renoncé à prendre la voiture pour aller faire leurs courses dans les grandes concentrations commerciales. Les enfants jouent, vont et viennent. On est frappé par le nombre de personnes à mobilité réduite ; les vieux font la causette sur les multiples bancs qui ont remplacé les places de parking. « Avant ils n’osaient plus sortir ! » commente notre accompagnant. Dans le Pontevedra de 2022, la très grande majorité des enfants (80 %) vont à pied à l’école, sans même être accompagnés par les parents. Fini le cauchemar des embouteillages aux heures de sortie des écoles !
Pour atteindre ce résultat la ville a mené une politique ambitieuse et pragmatique. La clef de leur plan a été paradoxalement de ne pas interdire la voiture comme cela se fait classiquement dans les zones piétonnières que l’on connait. Mais le dispositif réalisé permet de réduire cette fréquentation automobile au strict minimum, en donnant la priorité absolue aux déplacements à pied. •
François Alfonsi.
Le lien entre Pontevedra et Bastia
Pour Pierre Savelli, la première rencontre avec Miguel Lores date de 2014, alors que la campagne électorale qui a permis de gagner les municipales battait son plein. Le maire de Pontevedra, à l’invitation d’Arritti, était venu éclairer un des meetings de campagne de son expérience, et les candidats d’Inseme per Bastia en avaient compris l’intérêt.
Huit ans plus tard, à Pontevedra, lors de la rencontre organisée par l’ALE sur le thème des politiques municipales alternatives, Pierre Savelli a rappelé ce premier contact et évoqué l’échange qu’il avait eu alors avec le maire nationaliste de Galice.
Miguel Lores avait en effet exprimé son interrogation : pourquoi, alors que Bastia est si proche de la mer, celle-ci est-elle si peu présente dans le paysage urbain ?
Puis l’élection gagnée, le projet de voie douce pour piétons et vélos à travers la citadelle a été réétudié. L’ancienne municipalité avait programmé un tunnel sous la citadelle. La nouvelle municipalité, repensant à la réflexion de Miguel Lores, lui a préféré le projet alternatif de l’Aldilonda, en balcon sur la mer.
Depuis les bastiais ont voté avec leurs pieds : ils sont des milliers à fréquenter l’Aldilonda, et son prolongement, Spassimare, qui est devenue aujourd’hui leur principale promenade quotidienne. •