Cap'artìculu

Les boules puantes de Cavallu

Les 120 hectares de « l’île aux milliardaires » de l’extrême sud de la Corse sont depuis un demi-siècle le lieu des dérives les plus graves de la société corse. La volonté de l’Assemblée de Corse, en préemptant un terrain de 3,3 hectares promis à une urbanisation spéculativo-mafieuse, était de stopper net ces dérives. Le projet a été en effet bloqué, mais cela ne va pas sans provoquer des attaques féroces. Avec, comme « idiots utiles » pour relayer ces attaques, la Chambre Régionale des Comptes et le Canard Enchaîné. 

 

 

Quand la transaction prévue sur ce terrain au cœur de l’île de Cavallo est portée à connaissance de l’Assemblée de Corse en 2018, celle-ci est consultée par le notaire sur l’exercice, ou non, de son droit de préemption. Vendeur : la fameuse « CODIL » qui en 50 ans est passée par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel affairiste et mafieux. Acquéreur : Anthony Perrino, promoteur immobilier régulièrement cité par les médias et la justice dans les affaires en lien avec la bande mafieuse du Petit Bar. Enjeu : une grande parcelle limitrophe des villas existantes, classée alors « zone constructible » par le Plan d’Occupation des Sols de la commune de Bonifaziu, pour un projet de 40 villas nouvelles commercialisées à des prix « pour milliardaires ».

Et, au détour des centaines de millions brassés par cette spéculation immobilière, de potentielles marges colossales pour le blanchiment ou le détournement de fonds suspects.

 

Par sa décision, l’Assemblée de Corse a bloqué le projet qui, sans cette décision heureuse, se développerait aujourd’hui. La parcelle sera rendue à l’espace naturel, et ouvert au public contrairement aux lotissements des milliardaires, parmi lesquels certains mafieux italiens grenouillent régulièrement.

L’Assemblée de Corse attend patiemment 2026 pour cela, date d’expiration d’un bail courant entre la CODIL, ancien propriétaire, et un restaurant, la Ferme, géré par un familier de la bande du Petit Bar. Ce restaurant a été fait sans permis de construire. La paillote des années 70 est devenu restaurant en dur de plusieurs centaines de m2, mais, faute d’existence légale, il ne figure pas sur l’acte de vente. Mais, en 2019, la préfète Josiane Chevalier a accepté sa régularisation alors que la volonté exprimée par les élus de la Corse est de le fermer à l’expiration du bail ! On se demande où sont les complicités que le Canard Enchaîné s’enorgueillit de dénoncer !

Mais la volonté politique de la Collectivité de Corse reste la même : rendre ce terrain à l’espace naturel et à la fréquentation du public. D’où la décision de ne pas percevoir le loyer autrefois accordé à la CODIL, de façon à consolider la volonté de ne pas renouveler le bail d’un établissement construit illégalement, même si l’État en a accepté la régularisation a posteriori à la demande de propriétaires figurant sur les fichiers du grand banditisme.

 

Face à ces enjeux, le procès des accusateurs du président de l’Exécutif sont désarmants de mauvaise foi. Le prix d’achat de 60 € le m2 pour un terrain constructible, validé par l’estimation du service des Domaines qui se situait dans une fourchette entre 60 et 90 euros le m2, est comparé par la Cour Régionale des Comptes à celui ayant cours pour des espaces littoraux inconstructibles, 2 €/m2. Et la non perception du loyer du bail passé par la CODIL est qualifiée par le Canard Enchaîné de « pourliche » laissé au Petit Bar. Bref du « grand art » en matière de désinformation ! Et, accessoirement, l’opprobre « d’ami des mafieux » insinuée pour celui qui, précisément, s’est mis en travers d’une opération mafieuse !

Mettre le fer dans l’abcès mafieux et affairiste de l’île de Cavallu est un impératif politique. Car Cavallu est un condensé des dérives auxquelles la Corse est promise.

Au départ, à la fin des années 60, un magnat des nuits parisiennes Jean Castel en a fait l’acquisition pour ses amis de la haute société. Au départ donc un de ces projets « intégrés à l’environnement » selon les nouveaux canons de l’urbanisation du littoral type Mòrtuli. Puis à la fin des années 70, il a vendu et les acquéreurs suivants, pour beaucoup venus d’Italie à travers des SCI localisées dans des paradis fiscaux, ont commencer à densifier, à faire un port de plaisance, un hôtel restaurant « des pêcheurs ». Les envolées lyriques qui avaient accompagné Jean Castel à son arrivée, y compris au plus haut niveau de l’État lors de la création du Parc Marin de Bonifaziu sur les autres îles de l’archipel, se sont alors enfin tues. Puis les mafieux se sont infiltrés au point de porter à la tête de la CODIL Lillo Lauricella, mafieux sicilien notoire, à qui l’on doit beaucoup de l’ambiance délétère qui a conduit à la guerre entre nationalistes des années 90. Après avoir quitté la Corse, il mourra sous les balles des tueurs d’une mafia concurrente au Venezuela.

 

Remettre de la puissance publique corse au cœur de cet espace dévoyé est la priorité politique que l’Assemblée de Corse a décidé à l’unanimité. La mairie de Bonifaziu a emboîté le pas en décidant la gestion en régie publique du port de plaisance. Dans leur myopie procédurière les magistrats de la Chambre Régionale des Comptes ont étalé leur incompétence notoire. Et, poursuivant son hostilité envers les nationalistes corses, le Canard Enchaîné a embrayé et accéléré de plus belle.

Au moment où se mobilisent les forces qui veulent barrer la route à l’autonomie de la Corse, ce jeu de boules puantes n’est probablement pas innocent. •