Deux moments importants ce 23 janvier au Parlement européen, concernant les langues minoritaires et l’avenir méditerranéen. L’eurodéputé de la Corse François Alfonsi a rappelé l’Europe à ses obligations devant la Commission des pétitions, lors du débat à la suite de la présentation d’une étude sur les langues minoritaires dans le cadre de la diversité linguistique et culturelle de l’Europe ; et lors de l’échange de vue avec la nouvelle directrice des Affaires régionales de la Commission européenne à propos de la stratégie macrorégionale en Méditerranée. Extraits.
Stratégie macrorégionale en Méditerranée
« Je voulais revenir une minute sur votre réponse à propos de la stratégie macrorégionale en Méditerranée puisque j’étais le rapporteur à l’origine du rapport voté par le parlement.
Vous dites ce sont des stratégies « bottom-up » (de la base vers le sommet). Encore faut-il que « up » ne soit pas verrouillé. C’est à dire que le sentiment et la question que je vous pose, c’est la coordination qui est nécessaire pour faire face aux défis qui sont posés notamment par le réchauffement climatique dans l’espace méditerranéen où vous savez que les climatologues estiment qu’il est 20 % plus important que sur l’ensemble du territoire européen.
Il faut que les régions s’expriment, elles l’ont fait : j’ai personnellement assisté à des réunions animées par la présidence espagnole en Catalogne, votre collègue de la Commission était présent à Marseille avec Younous Omarjee (président de la commission développement régional du Parlement européen), nous avons été en Occitanie…
Il y a vraiment un déclic qui se fait. C’est à dire que le Parlement en votant ce rapport a amené beaucoup de régions à considérer qu’il était plus que temps d’avoir une stratégie collective pour faire face aux défis qui se posent en Méditerranée.
Mais au-dessus, à votre niveau, au niveau de la Commission, vous-même vous prenez vos fonctions donc ce n’est pas un reproche que je vous fais personnellement, on nous dit mais prouvez-nous qu’il y aura des plus-values. Moi, je vous demande de considérer toutes les moins-values que l’on observe aujourd’hui en termes d’environnement, en termes de capacité de réponse au réchauffement climatique, en termes de recyclage des ressources en eau, puisque la ressource en eau est un problème de tension considérable dans tout l’espace méditerranéen où quand Israël recycle 80 % de son eau, la France en recycle 2 % et je crains malheureusement que la Corse ce ne soit 0.
Il y a des problèmes, il y a des solutions, il faut mettre en œuvre les politiques qui permettent d’avoir ces solutions, il y a une stratégie macro-régionale qui vous est demandée et on ne peut pas se contenter de la réponse qui consiste à dire je n’ai pas assez de collaborateurs… Ce n’est pas votre priorité, je le comprends, ce n’est pas la priorité de votre Commissaire, je le regrette profondément, mais je pense que c’est une erreur politique de première importance. » •
Diversité linguistique en Europe
« Cette question du recul de la diversité linguistique en Europe est une question qui dure. J’étais moi-même député européen il y a deux mandats, j’ai présenté un rapport sur les langues régionales qui a été voté par notre parlement très, très, largement et je dois constater, et nous l’avons fait constater par une étude précise, que ni la Commission n’a changé de politique, ni la situation de ces langues ne s’est trouvée améliorée là où elles étaient en difficulté.
Le rapport qui nous est présenté aujourd’hui nous montre que les situations des langues régionales peuvent très bien empirer, c’est le plus souvent le cas malheureusement, ou même s’améliorer. L’exemple du sud-Tyrol et des ladins au sud-Tyrol est un exemple intéressant : quand les politiques adéquates sont mises en place, les langues se maintiennent et se développent. Par contre pour ce qui est de la situation que je connais bien en Corse, dans l’ensemble français, le déclin est là et le déclin s’accélère. Et cela laisse la Commission indifférente.
Là-dessus, je veux dire un mot. Que l’on dise “c’est la compétence des États” dans des domaines où la Commission ne veut pas intervenir, je veux bien. Mais, en l’affaire, la Commission a une position de Ponce Pilate : c’est à dire que si la langue corse est en difficulté en Corse, c’est à cause de l’État français et de la politique de l’État français. Si la Commission me répond “mais c’est l’État français qui va régler le problème” : elle se rit de moi en réalité, elle se moque.
Elle considère que la question de l’avenir de la langue corse n’est pas un problème et que la langue corse peut disparaître sans que cela ne pose aucun problème à la Commission, alors que la Commission est la gardienne des Traités, que ces Traités sont chapeautés par une devise qui est la diversité. On doit garder la diversité européenne de par les Traités et on fait exactement le contraire comme politique.
Ces comportements à la Ponce Pilate sont des comportements inacceptables et je voudrais qu’enfin la Commission change son point de vue et considère que quand on pose des problèmes d’état de droit, on doit aussi poser les problèmes du devenir des langues et des cultures des minorités au sein des différents États de l’Union européenne. » •