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Nos ancêtres les Gaulois

Max Simeoni
Max Simeoni
Max Simeoni écrivait ce texte le 7 septembre 1990. Plus de 30 ans plus tard, en Nouvelle Calédonie ou en Corse, on en est encore à se demander quand la République sortira enfin de son travers colonial ?

 

Nos ancêtres les Gaulois

par Max Simeoni

 

Ont-ils tressailli de joie et poussé des « cocoricos » dans leurs sépultures y compris gallo-romaines, « nos ancêtres les Gaulois » quand l’équipe de France, à Split, au championnat d’Europe a remporté la victoire et battu le record du monde du quatre fois cent mètres ? N’y a-t-il pas lieu d’être fier d’être Français donc de la lignée gauloise ?

Mais comment résoudre le problème de ces quatre remarquables sprinters dont aucun n’a la peau blanche, ni les cheveux et les moustaches blondes ? Ils tirent franchement sur le noir, à peine éclairci au mieux.

 

La démonstration par la mélanine de la peau est faite en ce cas, qu’on peut être citoyen français, mais issu d’une race, d’une culture, d’une ethnie, d’un peuple qui n’a rien à voir avec les caractéristiques dont la France se réclame, celle du peuple de la Gaule.

À l’instant même, dans leur pays d’origine, des petits noirs sourient de joie. Ils ressentent cette victoire de leur couleur comme une revanche contre les Gaulois… Ils boivent du petit lait. Ne voilà-t-il pas que le prestige de « la plus grande France » se trouve réalisé par procuration donnée à une race de couleur, qui ne sont que d’anciens colonisés, d’anciens esclaves, asservis par les ascendants des Gaulois d’aujourd’hui jusqu’au ridicule, puisque pour les « civilisés », ils faisaient écrire à leurs parents et peut-être à eux-mêmes, tout autour du globe, tout le long de l’équateur, sur leurs pages à carreaux d’écoliers, des phrases puisées dans leur manuels officiels envoyés par Paris et conçus par de grands pédagogues, de grands inspecteurs de l’Éducation nationale, syndiqués à la FEN, des phrases du genre : « nos ancêtres les Gaulois… », ou « la neige tombe en gros flocons blancs… » ? Les autres puissances sœurs colonisatrices ne sont guère mieux logées, sprint pariant, que la gauloise : Anglais ou Américains étant encore plus foncés, presque d’ébène… J’ai oublié l’épreuve, mais qui ne se souvient de ces athlètes noirs qui au moment de leur consécration, au moment de l’Hymne américain, ont baissé la tête et levé le poing ? À cet instant, ils étaient bien loin de se sentir en communion avec le cliché américain, ils offraient leur victoire à la révolte contre l’humiliation du « Peuple noir ».

 

Le jacobinisme culturel à la française est une sorte d’intégrisme sournois mais tout aussi intolérant. Il est devenu inexportable. Il est un passé d’obscurantisme révolu, un bâton dans les roues de l’Europe.

Il est plus que temps de ne plus confondre les termes d’État, de citoyenneté, de peuple, de nation, de culture… On peut être citoyen français à part entière et du Peuple corse. On peut être même de double culture. La condition est que cela se réalise naturellement, librement, sans contrainte, sans domination.

L’Europe des Peuples solidaires est la seule viable, car la seule réaliste.

Tout le fatras issu des États conquérants et sanglants, de la domination, du colonialisme est à jeter à la ferraille. Il est temps de mettre en application la véritable révolution du 18e siècle, celles des valeurs qui ont été en partie oubliées ou perverties par le jacobinisme et le bonapartisme, les valeurs des encyclopédistes.

L’homme est libre. Il est citoyen et non sujet. Les hommes sont égaux sans distinction de race, de philosophie, de culture ou de religion. Ce qui revient à dire qu’on doit respecter la race, la culture, la religion, la philosophie de chacun.

 

L’homme n’a pas à se renier ou à renier ses origines. L’homme en démocratie doit pouvoir choisir son destin avec toutes ses dimensions, y compris collectives et historiques.

Il est temps, pour nous Corses, de suivre les leçons de Pasquale Paoli, le véritable homme des lumières. •