Une stratégie pour les îles

Younous Omarjee et Gilles Simeoni

La Conférence des Régions Périphériques Maritimes tenait son Assemblée Générale à Palerme en Sicile les 16 et 17 et 18 octobre 2019. Ouverte par une réunion ayant pour thème « Greening the Islands » (tout un programme !), prolongée par un séminaire sur l’économie circulaire, incluant la réunion de la Commission des Îles présidée par Gilles Simeoni, cette session a été l’occasion de mettre à plat une stratégie pour les mois à venir en faveur des îles au sein de l’Union Européenne.

Avec Younous Omarjee, Président de la Commission du Développement Régional du Parlement Européen, et la Ministre croate des Affaires Européennes, dont le pays prendra la Présidence de l’Union Européenne pour six mois à compter du 1er janvier 2020, une démarche de lobbying actif se met en place. Il faut profiter pleinement de la « fenêtre » que représentent les six mois de la Présidence croate, jusqu’à juin 2020, lors des tous premiers mois de fonction de la future Commission Européenne présidée par Ursula von der Leyden, qui sera installée en novembre.

Gilles Simeoni a campé la problématique d’une approche qui pourrait permettre, lors de la prochaine séquence financière de sept ans (le Cadre Financier Pluriannuel), qui couvrira la période 2021-2027, de faire valoir la spécificité des îles et demander leur prise en compte dans les règlements européens afin d’élargir les possibilités offertes aux régions insulaires.

L’article 174 du Traité de Lisbonne sert de base juridique, qui demande à la Commission de prendre en compte les difficultés particulières des territoires, qu’ils soient peu peuplés, montagneux ou des îles. Mais, jusqu’à ce jour, si les régions peu peuplées ou montagneuses ont été éligibles à une attention particulière, cela n’a jamais été le cas des îles.

Le discours qui domine dans les instances européennes est que les îles sont des territoires très différents, de la Sicile et ses cinq millions d’habitants aux très petites îles de quelques dizaines d’habitants, et que leurs niveaux d’éloignement, de développement économique, de difficultés structurelles sont autant de cas particuliers ne permettant pas de concevoir un traitement uniforme. Sauf que l’absence de toute prise en compte des îles est par définition un traitement uniforme !

Devant la Commission des îles à Palerme, avec Younous Omarjee, Président de la Commission du développement régional du Parlement Européen.

A l’opposé, aux yeux des dirigeants européens, les « Régions Ultra-Périphériques » (les « RUP » en jargon européen), à savoir les territoires d’Outre-Mer français, Açores et Madère au Portugal, les Canaries en Espagne, présentent une certaine homogénéité de taille (quelques centaines de milliers d’habitants), de développement économique (PIB par habitant de l’ordre de 75% de la moyenne européenne) et d’éloignement (plus de mille kilomètres du territoire de l’Etat de rattachement).

Gilles Simeoni propose de répondre à cette nécessité d’une approche différenciée en obtenant que soit pris en compte le fait insulaire en général, et que chaque cas particulier soit traité à travers un « indice de périphéricité » qui ferait varier les adaptations nécessaires en fonction de chaque situation concrète.

La nécessaire adaptation des politiques européennes, notamment pour ce qui concerne le développement régional et l’application des règlements régissant les Fonds Européens déjà existants (FEDER, FEADER, etc…), ou le futur « Fonds pour une Transition Juste », que Mme von der Leyden a annoncé pour soutenir la transition énergétique, va au delà des questions financières. Les dispositions aujourd’hui visées concernent aussi le niveau des cofinancements nécessaires, ou bien la question des aides d’Etat qui sont traquées par la Direction de la Concurrence avec la même vigilance à Paris ou à Munich que dans une île qui, par son éloignement, n’est quasiment jamais en mesure de perturber les conditions de la concurrence dans le reste de l’Europe.

Dans leurs programmes présentés au Parlement Européen lors de leurs auditions (la procédure qui a coûté sa place à la candidate française Sylvie Goulard), certains commissaires, comme l’Estonienne Kadri Simson qui sera en charge de l’Energie, ont ouvert la porte à une évolution. Ainsi, répondant aux questions des députés européens, elle a déclaré, à propos du futur Fonds pour une Transition Juste : « l’objectif est d’apporter un soutien ciblé aux régions industrielles, dépendantes du charbon ou à forte infériorité énergétique, ainsi qu’aux îles ».

Le calendrier est extrêmement resserré. La question des iles sera soulevée en commission du Développement Régional notamment, présidée par le député réunionnais Younous Omarjee. Chaque île doit se mobiliser, Députés européens et Exécutifs régionaux, pour se regrouper autour d’une proposition concrète, obtenir (c’est fait !) que la Croatie mette la question des îles à l’agenda du Conseil Européen durant les six mois de sa Présidence, présenter et faire partager une proposition commune à la Commission Européenne et aux Etats-membres les plus concernés (outre les deux Etats insulaires, Chypre et Malte, la Grèce, l’Italie, la France, la Croatie, la Suède etc…), et obtenir que le Parlement Européen exerce une action concertée de lobbying.
Première étape : la reconduction de l’intergroupe des îles et des zones côtières (Searica).

François Alfonsi.