Par François Alfonsi
Une mandature est une construction en trois temps : lancement des dossiers, approfondissement des débats et concrétisation matérialisée par un vote. Depuis la dernière session de l’Assemblée de Corse, la carte modifiée des ESA a été adoptée, et, au bout de deux ans de procédure, le dossier est entré dans la catégorie tant attendue par les électeurs : « mission accomplie ».
C’est d’ailleurs le quitus qui a été donné à l’Exécutif par u Levante, principale association de lutte contre la bétonisation de la Corse, qui commente ainsi sur son site internet : « l’Assemblée de Corse a adopté par 42 voix pour, 21 abstentions et aucun contre le rétablissement de la carte des Espaces Stratégiques Agricoles qui sont ainsi sécurisés ».
La cartographie des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) dans le cadre du Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (Padduc) avait été mise en difficulté par les recours en justice de certaines communes soulevant plusieurs erreurs commises à propos des cartes des ESA présentées lors de l’enquête publique. En 2018, le Tribunal Administratif de Bastia avait annulé cette carte essentielle. Il a fallu alors s’atteler à la rectifier et à mener la lourde procédure de modification du Padduc.
Le vote de la dernière session conclut une procédure de plusieurs années. Le Padduc de 2015 déclarait inconstructibles 105.000 hectares de terres à forte potentialité agricole. Cette surface avait été ensuite répartie entre les communes concernées, et cartographiée, mais les contentieux qui ont suivi ont fragilisé le document adopté à l’origine, et mis en péril l’obligation de préservation des ESA dans le cadre des différents documents d’urbanisme en cours d’élaboration au niveau de chaque commune.
La modification votée lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse des 5 et 6 novembre a définitivement sécurisé la cartographie des ESA pour 101.844 hectares. Un travail minutieux a procédé à l’amputation d’erreurs manifestes, et a constaté que 1.850 hectares avaient été gagnés par l’urbanisation depuis 2013, ce qui témoigne de la pression foncière qui s’exerce encore sur ces terres agricoles.
Mais, désormais, tout permis de construire situé dans l’Espace Stratégique Agricole défini par le Padduc modifié sera frappé d’illégalité.
À l’heure où les nouvelles élections approchent, il est bien sûr important de consolider par des résultats probants le bilan de la mandature qui se termine. Les élections qui auront lieu en juin et non plus en mars en raison de la crise sanitaire vont faire l’objet d’une campagne électorale qui battra son plein à compter de janvier prochain.
Dans le climat très particulier créé par la crise, entre l’espoir de l’émergence d’un vaccin salvateur, qui fait l’objet d’une vive compétition entre les majors mondiales du secteur du médicament, et le désespoir de millions de petits entrepreneurs qui ne voient pas le bout du tunnel de leurs difficultés économiques, et qui devront pour certains mettre la clef sous la porte, tout le monde est obligé de naviguer à vue.
C’est vrai partout dans le monde, et c’est aussi vrai en Corse.
Ce qui est en cause désormais est la possibilité de décider d’un déconfinement substantiel avant les fêtes de Noël, pour donner un ballon d’oxygène au commerce en crise. Au bout de deux semaines la tension sanitaire semble maîtrisée, mais la tension sociale est plus forte que jamais. Selon la façon dont se déroulera la période de fin d’année, le climat politique sera très différent une fois le mois de janvier venu.
Dans ce climat très aléatoire, il est important de s’appuyer sur des bases solides, et pour les sortants qui solliciteront un nouveau mandat, d’avoir un bilan étayé de dossiers concrets comme celui qui vient de trouver un aboutissement lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse. •