Déchets

Avancer malgré les difficultés

Les bilans 2016 et 2017 n’ont pas été au rendez-vous des résultats attendus au lendemain de la crise des déchets qui a secoué la Corse en 2015-2016, et après le vote du plan d’action défini par la nouvelle majorité territoriale en mai 2016. Au contraire, la situation est plus tendue que jamais, les quantités à enfouir sont toujours beaucoup trop importantes, tandis que les centres d’enfouissement sont à saturation et qu’il faut envisager l’exportation de milliers de tonnes de déchets bruts vers le continent. Des contrats ont été passés pour cela. Mais ces moyens financiers sont mobilisés en pure perte, tandis que la nouvelle organisation risque de prendre du retard faute de moyens.

 

La dernière session de l’Assemblée de Corse a adopté le rapport présentant la «déclinaison du plan d’action déchets pour la période 2018- 2021 ».

Ce rapport fait un constat décevant pour 2016 et 2017: certes l’incessante croissance du volume des déchets depuis des décennies a été stoppée (179.000 tonnes de déchets résiduels en 2015, 174.000 tonnes en 2017), mais « l’inversion de la courbe » qui était espérée n’est pas au rendez-vous. La raison tient pour une part à une croissance du tourisme sur ces deux années (environ +5% par an) qui a mécaniquement accru le volume des déchets produits. S’y est ajouté pour 2017, coup sur coup, l’incendie de deux des plus importants centres de recyclage, à Lucciana et à Aghjone, ce qui a obligé pendant toute une période à enfouir des volumes qui ne pouvaient plus être traités avant d’être envoyés vers les usines de recyclage.

Certes, le tri a tout de même progressé pour atteindre 26%, 31.000 tonnes étant reçus dans les déchèteries (+18 %), et 26.500 tonnes collectées via les flux verres/emballages/papiers (+42%). Mais cela reste très loin des objectifs ; c’est encore très inférieur aux taux de tri atteints dans des territoires semblables du continent (zone touristique) : 56kg/habitant en Corse, 130 kg/habitant sur le continent… et 264 kg par habitant en Sardaigne !

 

Premier responsable: les biodéchets, près de 40.000 tonnes dont seulement 1.279 tonnes ont été collectés et valorisés (2%). C’est la «priorité n°1» du rapport que l’Assemblée de Corse a adopté lors de sa dernière session ce 26 octobre. En effet leur compostage en mélange avec les déchets verts qui apportent le complément structurant nécessaire à un bon processus exempt de nuisances, peut être réalisé au plus près des collectes, par compostage individuel, sur des plates-formes de proximité (villages, immeubles, quartiers), à condition d’apporter l’encadrement nécessaire à une bonne maîtrise technique. Et quand les volumes le justifient, réalisation d’une collecte sélective, notamment en zone touristique. Encore faut-il avoir une plate-forme professionnelle de compostage pour accueillir le produit de cette collecte. Des régions entières en sont encore dépourvues : il faut accélérer et rattraper tout le retard pris !

 

Pour les autres déchets, la collecte par point d’apport volontaire est «plafonnée » et il faut, là où la densité de population est suffisante pour permettre des circuits de collecte raisonnable, en venir à une collecte au porte à porte. Cela permettra d’inclure les bio-déchets et d’avancer de façon significative dans les taux de tri et de valorisation. L’Office de l’Environnement soutiendra financièrement et techniquement ces extensions de la collecte sélective. Encore faut-il que ceux qui ont la charge de ces collectes, les Communautés de Communes, s’engagent à les mettre en place.

En effet, les dix-neuf Communautés de Communes qui quadrillent le territoire corse auront un rôle déterminant. Or les performances sont très contrastées, entre celles qui ne font aucun efforts (dispositifs de tri totalement défaillants comme par exemple sur la Rive Sud du golfe d’Aiacciu, dont la Présidente siège pourtant à l’Assemblée de Corse) et celles qui en font davantage (en Balagne par exemple). Mais, dans les principaux centres de population, le tri est toujours effectué de façon médiocre, et les Communautés de Communes principales comme la CAPA à Aiacciu ont même signifié en séance lors de la présentation du plan de la Collectivité de Corse qu’elles ne l’appliqueraient pas « en l’état ». Il faudra donc que progressivement la responsabilité du dossier des déchets vienne peser sur ces donneurs d’ordres qui sont indispensables à la progression vers les objectifs de tri et de recyclage qui mettront la Corse au niveau des territoires performants.

En attendant, il faudra tenir bon sur les objectifs affichés, et mobiliser la population pour qu’elle adhère aux gestes citoyens qui lui sont demandés. Les débats sur l’incinération, et tous ses dérivés, ne sont que des débats de diversion. En votant contre le rapport présenté, l’opposition a montré un sens politicien aigu. Mais il finira par se retourner contre ceux-là même qui imaginent profiter du caractère tendu de la crise qui s’annonce. Car la responsabilité des déchets est avant tout la leur, directement, ou via le Syvadec auquel toutes ont adhéré. À l’heure des comptes, tout le monde devra en rendre !

François Alfonsi.

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