Traité européen sur la Charte de l’énergie TCE

Le Parlement européen vote le retrait !

Source d'énergie la plus consommée par pays en 2022
Le Parlement européen a voté le 24 novembre dernier, une résolution demandant le retrait de l’Union européenne du Traité sur la Charte de l’Énergie, dit TCE. C’est une avancée importante pour tous les défenseurs de l’environnement et pour la lutte contre le réchauffement climatique.

 

L’accord international qu’est le Traité sur la Charte de l’Énergie (TEC) regroupe quelques 53 pays ou organisations (pays membres de l’UE, mais aussi Royaume Uni, Suisse, Norvège, Japon, Turquie, États d’Asie centrale et occidentale, dont la Russie et les autres États membres de l’ex-URSS ; ainsi que des pays observateurs comme les États-Unis ou le Canada) qui siègent au sein d’une Conférence sur la Charte de l’Énergie. L’Union européenne l’a signé en 1994 pour promouvoir la coopération internationale dans le secteur de l’énergie et préserver le développement d’un marché ouvert et concurrentiel, protégeant les investissements étrangers, la lutte contre les entraves à la concurrence, le flux et les réseaux d’énergie (pipelines, etc), ou des conditions stables pour les investisseurs… Bref, un traité très libéral destiné à faciliter les investissements et donc les investisseurs au détriment d’autres considérations notamment environnementales.

Si un différend intervient entre un pays et un investisseur, le traité protège ce dernier, et peut conduire un État devant les tribunaux. Les conséquences financières sont considérables. Près de 150 litiges ont été engagées pour la plupart émanant d’entreprises exploitantes d’énergies fossiles et les demandes d’indemnités se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards d’euros (cf. ci-dessous).

 

Le traité remis en cause par le changement climatique

L’aggravation des conséquences du réchauffement climatique et le besoin indispensable d’adapter les politiques énergétiques pour les États le remet en cause et nombre de pays s’en sont retirés. La Russie en 2009, l’Italie en 2016, l’Australie en 2021.

D’autres ont annoncé leur volonté de retrait : Pays-Bas, Espagne, Pologne, Slovénie, Allemagne, Luxembourg, et même la France (en octobre dernier), représentant ensemble plus de 70 % de la population de l’Union européenne.

Près de 3 millions d’européens ont signé une pétition et des centaines d’organisations non gouvernementales ont mené campagne contre ce traité.

Dans son rapport 2022, le GIEC, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a décrit le TCE comme un « obstacle sérieux à l’atténuation du changement climatique » remettant dangereusement clairement en cause les accords de Paris. Aussi, depuis quelques années, le TCE est en cours de « modernisation », pour prendre en compte la question du réchauffement climatique et intégrer notamment les pays africains, mais les lobbies des énergies fossiles sont si puissants que les discussions sont compliquées. Même dans sa forme dite « modernisée », le Traité n’est pas compatible avec les objectifs de décarbonation du secteur de l’énergie dans l’UE et de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

« On ne modernise pas un traité aussi nauséabond. On le quitte » a déclaré l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, résumant toute la problématique. La décision est donc prise au niveau du Parlement européen et c’est une bonne chose. Le Conseil est tenu maintenant de négocier, notamment pour régler les clauses dites « de survie » qui permettent à des entreprises de faire valoir leur droit de nombreuses années après la sortie du traité… C’est dire qu’on n’est pas prêt de remplir les objectifs de décarbonation ! •

F.G.

Sources : www.europarl.europa.eu • https://bit.ly/3AT2yrW

 


 

* C’est une urgence vitale, il faut impérativement et de manière drastique réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour éviter un bouleversement climatique de plus grande ampleur encore. Ces émissions sont produites à 89 % par les industries fossiles que le TCE protège particulièrement. Mais lorsque en 2018, la France avait décidé de suspendre ses exploitations d’hydrocarbures, elle a dû se raviser sous la pression d’une entreprise canadienne. L’Allemagne a été contrainte de verser 4,35 milliards d’euros aux exploitants de centrales à charbon après avoir décidé la fin de l’exploitation de cette énergie fossile. Les Pays-Bas sont sommés de verser 1,4 milliard d’euros de compensation à une entreprise allemande pour les mêmes raisons. L’Allemagne encore a dû dédommager un groupe suédois après sa décision de mettre fin à son programme nucléaire suite à la catastrophe de Fukushima. L’Italie a été condamnée à verser 240 M d’euros à une multinationale pétrolière britannique pour avoir voulu mettre fin à l’exploitation marine au large de ses côtes. Selon Corporate Europe Observatory, on estime à plus de 1 300 milliards de dollars les dédommagements potentiels à verser aux entreprises d’ici 2050 si les États se conforment à leurs obligations de réduction de gaz à effet de serre (dont 42 % par les contribuables européens). •