Sò Ella

Bellìssimu umagiu à a donna

I Campagnoli ci anu offertu un magnìficu spetàculu in umagiu à a donna, stu 21 di sittembre à u Teatru di Bastia. Un oda à a donna, e so lotte, e so gioie, e so suffrenze è tuttu ciò ch’ella porghje à l’Umanità. L’edea hè ghjunta ind’a serata Donne Arritte urganizata da l’associu « Femmes solidaires » in umagiu à Julie Douib è tutte e donne assassinate da u so anzianu cumpagnu di vita. U gruppu I Campagnoli ci era ghjuntu à cantà. Tandu Guidu Calvelli hà dumandatu à Ghjàcumu Fusina di scrìveli e parule d’un cantu per dinunzià e viulenze fatte à e donne. Sò ella conta cù a forza è a sensibilità di u pueta ciò ch’ella era u cutidianu piattu di Julie è di tutte sse donne morte sott’à i colpi di l’omu ch’elle anu tenutu caru. I Campagnoli anu avutu a brama di ssu spetàculu, per rende umagiu à tutte e donne, in tutte e so andature chì fàcenu u so incantu è u so arrecu à u mondu. Bellìssimu umagiu.

 

Il y a près de quatre ans, Julie Douib était assassinée par son ex-compagnon de trois balles de 9 mm (deux l’ont atteinte, au bras et au thorax) à son domicile où elle tentait de se bâtir une nouvelle vie. Son meurtre a bouleversé la Corse et la France entière, plus de 4 000 personnes ont défilé dans les rues d’Ìsula Rossa, et ce trentième féminicide (sur 146) de l’année 2019 a suscité un tel émoi qu’il a conduit à l’organisation d’un Grenelle des violences faites aux femmes le 3 septembre 2019 et la décision de 46 mesures pour mieux lutter contre cette barbarie. Pourtant, depuis Julie, plus de 300 autres femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint et combien d’autres centaines (milliers ?) ont été sauvagement agressées ? Les mesures prennent trop de temps à s’appliquer.

On n’a laissé aucune chance à Julie, malgré son courage et sa volonté d’en sortir. Elle est l’archétype de l’emprisonnement social dans lequel les femmes victimes de violences sont plongées au sein d’une société où l’éducation et tout un marketing social font toujours de la femme un être inférieur, au service du « sexe fort » à qui on accorde trop souvent l’impunité face à leurs comportements criminels. Comment ne pourraient-ils pas se sentir tout puissants et « autorisés » à poursuivre ?

Emprise progressive, honte, souffrance, enfermement, Julie a supporté les coups et les humiliations pour l’amour de ses deux jeunes garçons et pour éviter d’impliquer ses proches. En 2018, elle a fini pourtant par avouer son martyr à son père qui l’a aidé à se révolter. Elle a réussi à quitter le domicile pour reconstruire sa vie, avec un nouvel appartement, un nouvel emploi et sa passion pour fabriquer des bijoux qu’elle vendait dans les foires. Quel affront pour celui qui l’avait jusque-là sous son total contrôle ! Il la menace, la harcèle, l’empêche de voir ses enfants dont un juge aux affaires familiales lui avait refusé la garde, un comble ! Elle n’a trouvé aucun appui auprès du système judiciaire. Elle dépose six plaintes pour menaces de mort, harcèlement, coups. Toutes sont restées sans suite. « Il faudra qu’il me tue pour que vous me preniez au sérieux ? » avait-elle dit aux gendarmes qui ne sont pas intervenus lorsqu’elle les avait informés qu’il possédait une arme. Son père dépose également plainte pour agression contre lui alors qu’il tente d’intervenir. En vain. N’est-ce pas le système judiciaire et policier indifférents aux souffrances de ces femmes qui accompagnent in fine la main de leur assassin ?

Le 3 mars 2019, Bruno Garcia a projeté son crime, il se présente au domicile de Julie et l’assassine. Il a été condamné le 16 juin 2021 à perpétuité avec 22 ans sûreté et la perte de son autorité parentale sur les deux enfants du couple confiés à la garde des grands-parents maternels. Il a fait appel.

Julie, elle, est morte. Et il est important de ne jamais oublier son martyr.

 

Sò Ella est une ode à la femme, pour Julie et toutes ces vies injustement arrachées, mais aussi pour toutes celles qui, au quotidien, participent à faire le monde. Ainsi se construit le spectacle, avec leur âme de combattante face à la tyrannie (U Ponte, Maria Ghjentile), avec l’amour d’une mère debout au pied de son fils en croix (Stabat Mater), les sérénades ou lamenti (Brunetta, Lamentu amaru, Serinatu à Maria, Veni o Bella, Paghjella), les rapports à l’enfant (Mamma di, Mamma) le prisonnier qui écrit à sa mère (Lèttera à mamma), l’image encore et toujours de la femme (Terra corsa, Batellu), l’éducation (Moresca), l’hymne à la vierge, femme protectrice des Corses (Dio vi Salvi Regina), et enfin l’hommage à toutes celles qui souffrent des violences qui leur sont infligées (Sò ella).

Le spectacle est mis en scène par Marie Ange Geronimi qui y chante aussi, avec la participation de Anna Rocchi, Doria Ousset, Carlotta Rini et de la chorale d’enfants E Stelle di Biguglia dirigée par Emmanuelle Marini. Bien sûr également chante le groupe I Campagnoli qui produit ce spectacle avec le soutien de la Collectivité de Corse, u Centru naziunale di creazione musicale Voce, u centru d’arte pulifònicu di Corsica, Rcfm et la ville de Bastia. Le groupe c’est Guy Calvelli, Louis Crispi, Alexis Vitello, et Isabelli Giannelli (violon). Accompagnent aussi magnifiquement en musique Jean Michel Giannelli (percussions et arrangements), Anne-Lise Herrera (violoncelle), Olivia Savery Sanciu (piano). Enfin Delphine Nafteux (danse et chorégraphie) offre au spectacle une touche supplémentaire d’émotion, de même que Antoine Asaro (dessins projetés), et Cédric Guéniot (son et lumières). L’affiche et les vidéos ont été réalisées par Armand Luciani.

« Quand nous avons imaginé cette ode à la femme, nous avons pensé à la femme dans toutes les périodes de la vie, a témoigné Guy Calvelli, de la naissance jusqu’à la mort. De la femme dans l’histoire, à la maman, à l’épouse, à la femme courtisée par de belles sérénades, nous ne pouvions pas ne pas penser à ces femmes qui œuvrent tous les jours depuis tant d’années pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales. C’est pourquoi, avec nos deux artistes, Antoine Asaro et Armand Luciani, nous avons offert deux œuvres de chacun à une grande dame, Madame Rosy Sarola, présidente de l’association Femmes Solidaires. »

Très émue de cette attention, Rosy Sarola a bien sûr remercié I Campagnoli pour leur solidarité envers les femmes victimes de violence à chacun de leur concert. Ces œuvres, offertes pour soutenir l’association, seront mises en vente lors de l’exposition Femmes créatrices, en mai prochain à la salle des fêtes de Biguglia.

Vraiment très beau et émouvant spectacle dont on voudrait qu’il ait une suite pour sensibiliser encore nombre d’autres personnes à la belle cause des femmes. Et c’est prévu ! On reverra certainement Sò ella sur d’autres scènes insulaires et pourquoi pas du continent. Tanti ringrazii à I Campagnoli per sta lotta fatta soia. Ripusate in pace Julie, Savannah, Johanna è tutte voi altre marturiate perch’è èrate donna. •

Fabiana Giovannini.
Sò Ella
Cù li so ochji à l’addisperu
Quella chì passa quì in carrughju
Quantu ne pesa u so penseru
A fallu tace lu so mughju
Sò ella…
Senza nè làcrime nè pienti
Nè mancu un lagnucciu palesu
Quella ch’ùn ne vole scumpienti
Ma porta in sè l’infernu appesu
Sò ella…
Quale la sà ciò ch’ella pensa
Ma vole chì nunda si sappia
Nè di parlanne mancu stampa
Sempre issu nodu chì l’allaccia
Sò ella… •
I Campagnoli, parole : Ghjàcumu Fusina, mùsica : Guidu Calvelli.

 


 

Les violences faites aux femmes sont encore beaucoup trop taboues. On estime à 736 M (soit une sur trois) les femmes qui ont subi des violences physiques ou sexuelles dans le monde. Parmi elles, 640 M ont subi ces violences de la part de leur partenaire intime actuel ou passé. Ces chiffres ne tiennent pas compte du harcèlement sexuel ni des violences exercées sur les jeunes de moins de 15 ans. La femme reste une cible. Elle est dans le monde la première victime des guerres et des situations de précarité avec les enfants. Et moins de 40 % des femmes qui subissent des violences demandent de l’aide. C’est dire si les statistiques sont encore minimisées.

En France, 146 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2019. Elles étaient 102 en 2020, 122 en 2021 et elles sont déjà 85 en 2022. Les violences faites aux femmes, comme les violences faites aux enfants, sont l’affaire de tous, et doivent être une priorité de notre société.

Appelez le 3919 pour signaler une femme en danger (numéro vert 24h/24).
Appelez le 119 pour signaler un enfant en danger. •

 


 

I Campagnoli

• E pròssime date

03/10 – Calvi – 18h30 – Catedrala San Ghjuvan’Battista

06/10 – Bonifaziu – 19h00 – Ghjesgia Santu Dumènicu

07/10 – San Fiurenzu – 18h30 – Catedrala di u Nebbiu

17/10 – Lìsula – 18h30 – Ghjesgia di a Misericordia

• Cuntatti 07 77 30 30 65