Muriel Fagni

« Il est urgent d’intervenir avant un effondrement social »

« L’exercice du pouvoir n’est pas un chemin tranquille » explique Muriel Fagni après 5 ans de mandat exercé. Membre de plusieurs commissions, elle se spécialise surtout sur les questions sociales ou de santé. Elle livre son sentiment sur la crise aux lecteurs d’Arritti.

Sur le terrain, avec Germaine
Bourdais, déléguée régionale du Secours Catholique.

On s’attend à une grave crise sociale.

Que pensez-vous de la situation ?

Je fais miens les propos du Dr François Pernin quand il dit que « la pauvreté, ça tue ».

La Collectivité de Corse, notamment à travers l’action sociale, accompagne les plus fragiles.

À cette action, s’adosse un fonds de dotation «Corsica sulidaria », dont j’ai l’honneur d’être membre du conseil d’administration. Il soutient des actions de solidarité et des projets concrets d’insertion, d’inclusion et d’innovation sociale visant à faire reculer la pauvreté et les inégalités dans différents domaines : mobilité, alimentation, santé, logement, handicap, lutte contre les discriminations, formation et insertion professionnelle, jeunesse.

Par exemple, l’appel aux mécènes pour l’achat de respirateurs et de matériel médical a très bien fonctionné.

Depuis 3 ans une Commission ad hoc travaille sur l’étude de la faisabilité d’un revenu de base. Sous forme d’ateliers de travail, menés sous l’expertise de Marc de Basquiat, elle rassemble des représentants de l’Exécutif, des six groupes de l’assemblée de Corse ainsi que le CESEC. Nous avons effectué un travail de fond, avec la participation notamment de la DGA de l’action sociale de la CdC, la CAF, l’INSEE, la MSA, l’administration fiscale, etc. Il est urgent d’intervenir avant un effondrement social, en corrigeant ce qui peut l’être.

Le nouveau modèle économique doit s’adosser sur une société qui produit sa richesse (PIB) selon ses priorités sociales. La création d’un revenu de base est à activer en toute priorité afin d’éviter des drames humains. Pour les plus démunis, autoentrepreneurs, les très petites entreprises, même si aujourd’hui les remboursements d’emprunt ont été repoussés de six mois, sans revenus, cela ne suffira pas ! Il est donc important qu’un revenu de compensation, facile d’accès, sans conditions, soit mis en place afin de leur permettre de tenir bon face au quotidien, et, le moment venu, pouvoir se relancer.

 

L’Impact de la crise est-il déjà visible sur l’emploi en Corse ?

Comme les États-Unis, l’Europe verra le chômage monter, malgré les plans massifs de soutien à l’économie. La récession qui s’annonce n’est comparable à aucune autre connue ; elle additionne un choc sur l’offre et un autre sur la demande. Des PME, PMI et de grands groupes vont réduire leur charge salariale et de fait leurs effectifs ; d’autres vont malheureusement tirer le rideau. Des emplois vont être détruits pour longtemps.

En Corse, avec 25 940 demandeurs d’emplois, 50 723 personnes qui bénéficient du chômage partiel, une année en demi-teinte annoncée pour la saison touristique, des personnes vont se retrouver sans emploi, et sans possibilité de rechargement de droits pour bénéficier de l’allocation chômage cet hiver. Le maintien des droits a été prolongé artificiellement, tout comme les droits en formation.

Cela a évité les licenciements économiques.

Mais pour ceux qui ne peuvent bénéficier de quatre mois d’activité, il faut espérer que le gouvernement signera un décret pour que l’ouverture des droits soit ramenée à une affiliation de quatre mois comme en 2019. Une motion sera présentée à l’Assemblée de Corse en ce sens.

 

Quelles sont les marges de manoeuvre de la CdC?

Comme l’a précisée la présidente de l’ATC, Nanette Maupertuis, par la création de différents groupes de travail, notamment un groupe de travail dédié aux emplois saisonniers, pour réfléchir avec tous les acteurs de l’emploi et de la formation, les professionnels du tourisme, à une adéquation entre l’offre et la demande saisonnière. Cela ne pourra se faire que dans l’urgence puisque beaucoup de saisonniers n’ont pas pu et/ou ne peuvent plus rejoindre la Corse. Une des idées, par exemple, est la mise en place de formations accélérées.

Bien avant la crise actuelle, La Collectivité de Corse a travaillé sur l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ».

Je participe activement, à travers une commission ad hoc dédiée à cette réflexion très intéressante, notamment pour revitaliser le rural. Un des buts est de démontrer qu’il est possible à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la Collectivité, de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire. La Communauté de communes Pasquale Paoli, sous l’impulsion de Paulu Santu Parigi, est en avance sur cette expérimentation. Créé par la loi, le dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée », après une première phase d’expérimentation concluante, va être étendu à de nouveaux territoires. Aujourd’hui, il s’agit de se mettre en ordre de marche pour profiter à plein de ce dispositif. L’année 2019 a été consacrée à la préparation et l’évaluation des situations sur la base desquelles les projets seront lancés en 2020.

 

Membre de la Commission de l’Éducation, de la Culture et de la cohésion sociale et de la Santé, vous êtes au coeur des réflexions sur l’après-Covid… expliquez-nous vos travaux ?

Les trois commissions organiques, de l’Assemblée de Corse se sont réunies afin d’entendre l’ensemble des préoccupations et des attentes des toutes les forces vives de la Corse pour établir un rapport pour le Conseil Exécutif, afin d’avoir une vision générale de la situation pour organiser l’après Covid-19.

Parallèlement à ces travaux, la commission (thématique) des politiques de santé, présidée par Dany Antonini, dont je suis membre, a auditionné un grand nombre d’acteurs de la santé ou apparentés afin qu’ils nous éclairent sur la situation sanitaire tout en suggérant des solutions.

Du côté plus spécifique de la Commission de l’éducation, de la cohésion sociale et de la santé, nous avons reçu les travailleurs sociaux et les bénévoles des associations.

Ils ont tous été très actifs sur le terrain pour répondre à toutes les attentes des familles ; ils ont mobilisé, mobilisent et mobiliseront toutes les aides matérielles possibles, ainsi qu’un soutien psychologique, pour apporter du réconfort aux plus démunis.