Panade électoraliste

Le premier tour des présidentielles donne Marine Le Pen contre Emmanuel Macron, vainqueurs sur les ruines de la nomenclature alternante au pouvoir central depuis le retrait de De Gaulle. « La chienlit des partis » avait conduit la France à une crise : défaite en 40 et Libération, mai 58 en Algérie. Mais les partis reprennent et le chassent. Ils sont toujours là, se disent d’inspiration gaulliste et face à la crise mondiale s’effondrent. Deux finalistes, aucun de l’alternance habituelle de la droite et de la gauche.

Curieuse balançoire. Une poignée de natios suffisait pour interdire Jean-Marie Le Pen de tenir meeting il y a peu, les votants étaient rares.

Aujourd’hui les natios sont majoritaires à la CTC et Marine arrive en tête dans l’île.

Que peuvent-ils espérer ?

Marine sera bloquée sans doute par la coalition de tous les perdants et Emmanuel, jeune, élastique et souple, n’a pris aucun engagement, à peine s’il a murmuré le vocable de régions.

«Tous contre Marine», c’est commode pour passer le cap. Mais il faut tenter de refaire les partis pour ne pas tous se noyer. Le temps est court d’ici les législatives, la tâche relève de l’exploit, et tous les chefs sont mourants.

Macron élu président trouverat- il une majorité pour gouverner en disant souvent qu’il faut de nouvelles têtes pour la politique autrement ? Ce serait alors un raz-de-marée qui emporterait tout. Ou dit-il cela pour accueillir les quelques disponibles, il y en a toujours, lui permettant d’y parvenir à moindre frais ? Il est clair que les deux élections, Présidence et Parlement, sont étroitement liées. Panade électoraliste garantie pour un bon bout de temps à moins qu’elle ne précède peut-être une crise bien plus grave insoupçonnable pour le moment.

Une majorité Macroniste capable de réformer au point de changer l’idéologie jacobine et ses systèmes de gouvernance se doit d’être cohérente et ferme, sinon les mêmes errances continueront sous des couleurs différentes.

 

La droite s’abrite derrière Macron, mais comment peut-elle compacter ensemble les Sarkozystes, Juppéistes, Fillonistes et contenir les jeunes loups prêts à bondir ? À gauche comment se départager entre Mélenchon, Valls, Hamon écrasé mais jeune, ce qui reste des hollandais ?

Cette droite et cette gauche sont divisées sur des points essentiels. L’Europe par exemple, un peu, beaucoup, pas du tout ; le Social autre sujet, démocratie sociale à la Hollande, plus de social Hamon, plus radical ou révolutionnaire Mélenchon et sa gauche.

Les natios n’ont rien à attendre. Dans tout regroupement pour élire le pouvoir selon la Constitution, Présidence au 2e tour et Législatives à la suite, aucun des acteurs en course n’est en mesure de garantir quoi que ce soit. Mais les natios se complaisent dans la même panade électoraliste. Ils ont du mal à organiser le départage de leurs candidatures à la députation, ils n’arrivent pas à fusionner.

Certes il vaut mieux un député natio qu’un claniste mais de là à entretenir des poches, et donc de compromettre une dynamique de victoire, pour des égos mal venus et l’illusion qu’à Paris on aura une voix assez forte ou persuasive pour faire franchir le mur de l’émancipation au Peuple corse, est illusoire et encore plus absurde.

 

Comment peser à Paris quand on ne court pas en équipe et que personne ne l’ignore ?

Comment peut-on croire en l’estime et en la confiance des corses quand, aux responsabilités, on fait comme les autres ?

Comment peut-on dénoncer le matin un « système » et s’y installer le soir ?

On ne fait pas le cheval de Troie si on n’y monte pas en section commando, ensemble. On défile dans le carnaval.

On pourra sans doute dire que c’est humain, que les hommes fonctionnent plus ou moins de la sorte… Hélas, pour la survie du Peuple sur sa terre, nous ne pouvons pas être humains et trop médiocres.

Un seul exemple pour finir.

Aucun des candidats qui pensait être dans la course présidentielle n’a accepté le principe de coofficialité pour la langue corse.

Ils nous ont cependant abreuvé de bilinguisme, du respect de notre identité. Or, il se trouve que le bilinguisme républicain ne peut pas sauver notre langue.

Les linguistes du Conseil de l’Europe et de l’Unesco ont clairement dit que si plusieurs facteurs concourent à la mort d’une langue, celui de la transmission est capital.

Un enfant qui ne parle pas la langue ne sera pas en mesure de la transmettre 25 ou 30 ans plus tard à ses enfants. La coofficialité seule peut permettre une politique de long terme pour sauver la langue. Le bilinguisme faute de mieux ? Oui, mais pour le dépasser au plus vite. Et ce n’est pas à Paris dans les fauteuils du palais Bourbon qu’on trouvera la force pour cette exigence vitale. Elle n’existe qu’au sein de notre Peuple. Notre ligne est limpide: tout faire pour qu’elle grandisse sans se bercer d’illusion. Un mouvement démocratique exemplaire, l’autonomie, la reconnaissance légale de Peuple.

Pas de petits pas de côté, pas de négociations qui ne sont que des sauts de puces qui nous font que nous gratter les uns les autres.

La guerre natio est démocratique mais totale, le temps historique est très mesuré pour la gagner ou la perdre. Sait-on à quoi on joue ?

Max Simeoni.