Non-Violence

« La filière corse »

Chaque jour dans le monde trouve son lot d’horreurs et de déchirements. L’année 2016 a connu d’immondes atrocités de guerre en Syrie, et des attentats ignobles en Europe, où le fanatisme religieux nourrit nos peurs et ouvre la voie au racisme et au rejet de l’autre le plus abject. La Corse, au cœur le plus fragile de cette Europe, le bassin méditerranéen, est à la fois le réceptacle et le mélange de richesses culturelles merveilleuses, et une sorte de caisse de résonance où viennent se percuter tous ces bouleversements sociétaux. Le tout se mêlant à des siècles d’une histoire complexe d’une terre convoitée, maintes fois soumise, mais qui a façonné sa culture en s’imbibant de tous ces apports.

  • Et c’est dans ce contexte où rien ne porte à parler de non-violence, principalement en Corse !, que Alternatives non-violente vient de publier son nouveau recueil de réflexions, intitulé «Non-violence : la filière corse »… il fallait oser

 

Ceux qui pensent que Corse et non-violence sont antinomiques, sont ceux in fine qui ne connaissent pas bien notre île. Qui ignore l’esprit d’ouverture, de générosité, de don de soi de ce peuple qui, bien souvent, a étonné l’Europe! Né en 1973, la revue Alternatives Non-Violentes (ANV), issue du Mouvement Alternatives Non- Violente (MAN), œuvre à populariser les méthodes de la non-violence. On y puise la force d’affronter des situations difficiles, mais aussi l’inspiration. Car échapper à l’emprise de la violence ouvre bien plus de portes qu’on ne le pense. La non-violence est comme une source où l’on s’abreuve quand on a très soif. Lorsqu’on ose goûter à la fraîcheur de cette eau au pouvoir régénérant, on trouve facilement le chemin qui paraissait si improbable et fou avant ! La plupart l’ignore, mais au travers de l’histoire, la non-violence a réglé bien des conflits sanglants à l’issue inextricable dans le monde.

Pourquoi ne pourrait- elle pas ouvrir sa porte en Corse ? C’est donc pour raconter cette autre Corse que Alternatives Non-Violentes et son directeur de publication, François Vaillant, consacrent un hors-série sur « la filière corse » de la non-violence. Car la non-violence a son histoire dans l’île autant que la violence, dont on dit qu’elle aurait le « gène »… « Dès qu’une agression se produit en Corse, les médias français ne ratent jamais l’occasion pour stigmatiser ses habitants » déplore François Vaillant, admiratif de cette face cachée de notre île, où bouillonnent toutes sortes d’initiatives citoyennes. Il y a bien sûr la Fondation de Corse Umani et son président Jean- François Bernardini qui sème à tous les vents, imperturbablement, ses formations sur la non-violence et peut s’enorgueillir de ses plus de 150 conférences depuis 2014, mais il y a aussi bon nombre d’autres initiatives « pour se réapproprier des fondamentaux de la culture corse.

Ici la mise en culture biologique de terres délaissées, là le sauvetage d’une châtaigneraie, ou encore le renouveau de la filière bois »… François Vaillant s’émerveille de cette Corse surprenante, entreprenante, qui rêve à un autre avenir. De la lutte contre l’incinérateur aux politiques de traitement des déchets ménagers, en passant par la question foncière, l’école qui s’ouvre à la non-violence, les journées qui lui sont consacrées, l’agriculture, le tourisme, le bâtiment, les paysages,… Alternatives Non-Violentes passent en revue au travers des réflexions de nombre d’acteurs de la vie insulaire ou de témoins qui observent ses évolutions, de nombreuses thématiques qui ramènent à cette philosophie de la vie qui tient en trois mots inséparables : démocratie, vérité, non-violence. « L’une ne peut pas être honorée sans les deux autres » nous dit François Vaillant, « la non-violence est certainement le meilleur moyen pour la Corse de dire sa vérité et d’être entendue ».

On trouve aussi dans ce hors-série plusieurs entretiens sur l’avenir de la Corse, Jean- François Bernardini, le père Gaston Pietri, le Dr Edmond Simeoni, François Alfonsi… «Comme les mérites du peuple corse ne font jamais la une des journaux français, ce hors-série d’ANV est entièrement consacré à des situations où l’on voit des femmes et des hommes qui ont choisi le courage et la lucidité pour construire une Corse entreprenante et démocratique» explique encore François Vaillant, « ce n’est pas un hasard si la Corse est la région où la violence scolaire est l’une des plus basses de France; c’est sur cette île que se déroulent le plus de formations à la régulation non-violente pour enseignants et juniors ». Voilà encore une vérité que la plupart ignore et qu’il nous faut répandre ! « La Corse, entre la « violence subie » et « contre-violence » commise, est pour moi une source d’interrogation permanente. Dans une île piégée par l’absence de vérité, par le mensonge des armes, la non-violence m’aide chaque jour à mieux décrypter les réalités, une voie pour sortir des impasses entre résignation, lâcheté et violence » explique Jean- François Bernardini.

«Notre premier devoir est de mettre la non-violence sur la place publique » dit-il encore. C’est ce que fait «Non-violence, la filière corse». Le recueil ne coûte que 12 euros et c’est une bonne occasion de « se poser » pour réfléchir. C’est aussi un coup de fraîcheur dans ce monde de brutes. « La non-violence ça s’apprend, ça se cultive »… « nous avons besoin d’armes d’instruction massive » parabole encore Jean-François Bernardini. Et si la solution était en nous ?

Fabiana Giovannini.